L’Oeuvre de Dieu, la part du Diable
Auteur : Irving, John
Format : 832 pages
Note :
Editeur : Points
Année de parution : 2014
La 4ème de couverture
“Ici à Saint Cloud’s, nous n’avons qu’un seul problème. Il se nomme Homer Wells. Nous sommes parvenus à faire de l’orphelinat son foyer, et c’est cela le problème.” Dans l’orphelinat de Saint Cloud’s, l’excentrique Dr Larch officie de manière très spéciale. Il assure “l’œuvre de Dieu ” en mettant au monde des enfants non désirés et réalise “la part du diable” en pratiquant des avortements clandestins.
Homer Wells, le protégé de Wilbur Larch, ne se voit pas vivre ailleurs qu’à Saint Cloud’s. Auprès de ce dernier, il va apprendre le “métier ”, et peu à peu tracer son chemin en s’éloignant avec audace des plans du docteur. Mais s’il part, saura-t-il s’adapter ?
Le Pitch
L’oeuvre de Dieu, la part du Diable, est une fresque qui nous amène dans le Maine profond, à Saint Cloud’s, dans les années 30, sur plus d’un demi siècle.
Nous y suivons le Dr Larch, directeur d’un orphelinat qui, accompagné de deux nurses infirmières, Edna et Angela, va accueillir des orphelins et tenter de leur trouver des familles d’adoption. Mais le Dr Larch est aussi obstétricien. Il accouche les femmes en détresse venues se faire avorter (acte illégal à l’époque) ou abandonner leur enfant. C’est pour sauver ces femmes, de tous ces pseudo médecins qui pratiquent l’avortement de façon barbare et traumatisante que le Dr Larch a décidé de pratiquer “l’oeuvre du diable”.
Homer Wells est un de ces orphelins. C’est son destin que nous allons lire. Il est né à St Cloud’s et ne souhaite pas y partir. Après plusieurs tentatives d’adoptions peu concluantes, il y restera donc. Pendant des années, il sera présent au côté du docteur Larch, tel un grand frère pour tous ces orphelins de passage, garçons et filles, qu’il va voir naître, partir et parfois mourir.
Le Dr Larch finira par l’aimer comme son fils se demandant comment il pourra devenir un adulte épanoui en ayant grandi dans un orphelinat. Homer souhaitant se rendre continuellement utile pour son mentor, va se voir confier par ce dernier de plus en plus de tâches quotidiennes, jusqu’à l’assister pendant les accouchements mais aussi les avortements. Tâche qu’il ne cautionnera pas et qu’il va finalement refuser de pratiquer.
Entre les deux hommes va se créer une relation paternelle et des liens indéfectibles vont se nouer. Larch jouant le rôle de protecteur face à un Homer qui passera une longue partie de sa vie à se chercher et à douter.
Jusqu’au jour où il va faire la connaissance d’un couple, venu avorter, et qui lui proposera de repartir avec lui, pour d’autres aventures.
L’avis de Marion
John Irving est l’un de ces écrivains qui m’a fait aimer la lecture. Je n’ai pas lu toute sa bibliographie, Je te Retrouverai, reste mon gros coup de cœur. Cependant, L’oeuvre de Dieu, la part du Diable, est une jolie surprise.
Dans chacun de ses livres, on retrouve cette touche Irving. C’est un vrai conteur d’histoires qui transforme chaque sujet délicat en un récit plein d’humanité. Sa plume est légère, le ton est juste et fait largement digérer le volume de ses romans (plus de 800 pages).
Sur la base, d’une histoire attendrissante, il va, dans ce roman, exploiter de nombreux thèmes, sans jamais prendre parti ou nous imposer un choix. Notamment le débat sur l’avortement. Ce sujet va traverser l’histoire et les relations entre Larch et Homer, en faisant ressortir la détresse des femmes contraintes de prendre cette décision. D’autres thèmes tout aussi sujet à polémique vont être traités comme les addictions, l’adultère, l’inceste…
C’est donc à travers les expériences du Dr Larch, la vie d’Homer et ses doutes quant à son destin de vie mais aussi une multitude de personnages secondaires bien présents, pleins de tendresse les uns envers les autres, et dont les vies vont s’imbriquer, que ce récit va se construire. Ces êtres pleins de bonté ayant foi en l’espèce humaine vont finalement, au-delà de leur solitude, se créer une famille.
Le contexte social et historique est planté mais évidemment, impossible de décrire un roman d’Irving, sans évoquer Le Maine, décor principal de tous (?) ses romans.
Ici, il existe un vrai contraste entre la froideur de l’orphelinat et le havre de paix de la propriété agricole et des vergers, proches de la mer où va se réfugier Homer.
L’Oeuvre de Dieu, la part du Diable nous fait donc réfléchir sur ce qui est juste et non pas ce qui est bien ou mal. Le vécu et la sensibilité de chacun étant à prendre en compte. A méditer !
“Bonne nuit petits princes du Maine, rois de la Nouvelle Angleterre.”
Citation
Si l’avortement était légal, tu pourrais te permettre de refuser – en fait, étant donné tes convictions, tu devrais refuser. Mais tant que l’avortement est illégal, comment peux-tu dire non ? Comment peux-tu te permettre un choix en la matière, alors que tant de femmes n’ont pas la liberté de choisir elles-mêmes ? Les femmes n’ont aucun choix. Je sais que tu estimes cela injuste, mais comment peux-tu – surtout toi, avec ton expérience -, comment peux-tu te sentir libre de refuser d’aider des êtres humains qui ne sont pas eux-mêmes libres d’obtenir d’autre aide que la tienne ? Il faut que tu les aides parce que tu sais comment les aider. Demande-toi qui les aidera si tu refuses.
Pour briller en soirée
L’Oeuvre de Dieu, la part du Diable a été adapté au cinéma, après 4 scénarios successifs.
Dans “Mon cinema”, méditation de John Irving sur les rapports qu’ont ses livres avec leurs adaptations cinématographiques, abouties ou avortées, l’auteur explique que L’Oeuvre de Dieu… est aussi un hommage à son grand-père, le docteur Frederick C. Irving, médecin-chef de la maternité de Boston, et enseignant d’obstétrique à Havard.
« Sur le problème de l’avortement, Grand-Père avait la sagesse de remarquer que, tant qu’il y aurait des grossesses indésirées, les femmes chercheraient à s’en débarrasser. (…) Je doute que l’histoire du bon docteur Larch devenu avorteur l’aurait choqué, au contraire, elle m’aurait probablement valu son approbation.»